53.2 Le Beau Moniteur, Le Bomécano Et D’Autres Garçons.

Lorsque je rentre de ma longue balade le long du canal, c’est l’heure du dîner. Maman a mis la table et papa vient de rentrer.
Nous nous mettons à table, devant la télé, papa raconte sa journée, maman la sienne. La mienne est vite relatée, elle se résume à mon immersion dans le microcosme rassurant au bord de l’eau.
Certes, si je me lançais à leur raconter tous les questionnements et les inquiétudes qui peuplent ma tête depuis quelques heures, il y aurait de quoi fait un bon conseil de famille… mais franchement, je préfère éviter… un souci à la fois, je me dis…
Alors, pour faire diversion, je commente avec papa l’énième sujet sur le prochain passage à l’euro servi dans le journal télé… oui, dans quelques mois, le bon vieux franc va disparaître… l’inquiétude grandit au sujet de l’approvisionnement des distributeurs de billets dans la nuit du 31 au 1er… on craint la pénurie de monnaie… tout comme, il y a quelques mois, on craignait le fameux bug informatique de l’an 2000 qui devait plonger la planète dans le chaos… chaque époque sa peur…
Je n’en reviens toujours pas que, depuis hier matin, lorsque je suis rentré en plein petit déjeuner après avoir découché, ni maman ni papa ne se sont lancés dans des questions indiscrètes… non, vraiment, je trouve bizarre qu’ils aient gobé mon récit d’un verre avec les potes du lycée qui se serait fini au petit matin dans une boite du centre-ville, le Shangay… pourquoi j’ai eu besoin de citer un lieu précis, et ce lieu en particulier ? Heureusement qu’ils ignorent que le Shangay comporte plusieurs salles… et que dans l’une d’entre elles, il parait qu’on joue souvent du Mylène Farmer…
A mon avis, ils doivent croire que j’ai une meuf… je me dis que si c’est le cas, je vais laisser leur fausse croyance devenir mon alliée, tout en étant conscient qu’un jour, il faudra bien qu’ils sachent…
Mais je ne me sens pas encore prêt pour cela… je pense que je le serai le jour où j’aurai une relation stable… me voilà rassuré de ce côté-là… avec un petit con comme Jérém, ce n’est pas demain la veille que j’aurai à faire mon coming out familial… ça, c’est ce que je pensais…
Car on a beau faire des plans pour l’avenir… parfois les évènements nous prennent de court, nous obligeant à faire des grands pas, même si on n’y est pas encore préparé… mais on n’est jamais vraiment prêt à faire des grands pas… il faut les faire, c’est tout…
En attendant, je suis KO… l’absence presque totale de sommeil la nuit de samedi à dimanche, passée à faire des galipettes avec les deux potes… le sommeil en pointillés de la nuit dernière, ponctué par ce rêve de fou où Jérém et Thibault en venaient aux mains, avant de se résoudre à en venir aux queues… la longue balade de l’après-midi…
Bref, le lit m’appelle de bonne heure.


Je tente de lire un peu, mais les yeux se ferment tout seuls… j’éteins la lumière, je me glisse sous les draps…
Le corps est HS mais l’esprit ne cesse de se r avec les questionnements qui tournent en boucle dans ma tête depuis un peu plus de 24 heures…
Comment retrouver Jérém après cette nuit ? Comment le retrouver après sa nouvelle jalousie face à un Thibault si attentionné envers moi, face à cette complicité, à cette tendresse qui se sont installées entre son pote et moi sur le fil du plaisir sensuel ?
Qu’a-t-il ressenti lorsqu’il s’est rendu compte que cette nuit qu’il avait envisagée comme un plan cul s’est transformée en tout autre chose, du moins pour Thibault et moi ?
Quelle attitude va-t-il avoir à mon égard ?
Je peux toujours rêver qu’il puisse prendre conscience tout seul de cette évidence… que Thibault m’a apporté exactement ce que je voudrais que lui m’apporte… oui, je peux toujours rêver que Jérém puisse s’inspirer de la voie esquissée par son pote pour la suite de notre relation…
En réalité, je crains, au contraire, que dans l’avenir proche il soit encore plus dur avec moi, comme pour me punir d’avoir accepté de Thibault, son meilleur pote, ce que lui-même refuse de m’apporter…
Quant à Thibault… comment le retrouver, lui aussi, après cette nuit ? Quel regard va-t-il porter sur moi et sur mon incapacité à me faire respecter par son pote ? A quel point a-t-il été déçu par mon attitude vis-à-vis de Jérém ?
Comment retrouver le fil de notre amitié naissante après y avoir laissé rentrer cette sublime note sensuelle ?
En ajoutant du bonheur au plaisir, de la tendresse aux galipettes, ne nous sommes-nous pas engouffrés dans une voie dangereuse ?
J’ai adoré coucher avec le bomécano… mais vais-je le regretter tôt ou tard ? Tout comme, parfois, je me surprends à regretter d’avoir envisagé, pas provoqué, mais accepté le « hors sujet » lors de la première révision avec Jérém…
Bien sûr, c’est lui qui m’avait poussé à fouiller plutôt dans son boxer que dans le cahier de cours… il savait très bien de quoi il avait envie… tout comme, c’est de son plein gré que Thibault a accepté de prendre part à nos galipettes…
Pourtant, parfois je me dis qu’en provoquant les révisions avec Jérém et en acceptant ses « méthodes », je lui ai fait découvrir une facette de lui-même qui a bouleversé sa vie et crée un malaise persistant dans sa tête… Jérém était peut-être plus heureux quand il ne se tapait que des nénettes à tout va…
J’ai du mal à croire que cette nuit ne représente pour Thibault qu’une bonne partie de jambes en l’air… qui sait quelles cordes sensibles tout cela a pu remuer dans sa tête et dans son cœur…
Je m’en voudrais si la solidité d’un gars pareil devait se retrouver ébranlée à cause d’une nuit de plaisir… je m’en voudrais d’avoir foutu le bordel dans la tête de Thibault comme dans celle de Jérém…
Arme puissante, que le sexe…
Dans le noir de ma chambre, d’autres questions s’amoncellent dans mon esprit comme autant de nuages sombres annonçant l’orage dans un ciel d’été…
Comment vont se retrouver les deux potes ? Quel ménage vont pouvoir faire la jalousie de Jérém et la tendresse de Thibault à mon égard ? Est-ce qu’ils vont parler de moi ? Est-ce que Jérém va encore essayer de convaincre son pote que je ne suis qu’un cul à baiser ? Est-ce que Thibault va, au contraire, essayer de raisonner Jérém et de lui faire comprendre qu’il se comporte parfois très connement avec moi ?
Il n’y a rien de pire que des histoires de cul pour faire vaciller, terrasser les amitiés les plus solides.

Que ce soit à cause de la jalousie, de la rivalité… ou, au contraire, à cause de la sensualité, de l’attirance…
Je pense à ce court mais si intense moment de sensualité entre eux… est-ce que leurs corps, leurs esprits se sont embrasés pour un désir souvent ressenti et jamais assouvi ?
Ou bien… est-ce que cet émoustillement prenait racine dans le souvenir de caresses, de baisers, de plaisirs déjà consommés ?
Et si ce n’était pas la première fois que leurs corps, leurs envies, leurs plaisirs se sont retrouvés si proches ?
Et encore… auront-ils eu assez de ce moment… ou bien… est-ce qu’ils vont remettre ça, rien que tous les deux ? Surtout si l’envie devait se manifester, chez l’un ou chez l’autre, de tenter des expériences du style de celle amorcée à la fin de mon rêve érotique… des expériences pour lesquelles ils n’auraient pas besoin de moi… celui qu’ils ont connu dans le rôle de pd passif…
En m’endormant, je me surprends à repenser une fois de plus à la douceur de Thibault… à me demander pourquoi le bomécano a été aussi attentif et doux avec moi… à me demander s’il ressent quelque chose pour moi… à me demander qu’est-ce que je ressens à mon tour pour ce mec formidable…
Juste avant de m’endormir, une évidence finit par me sauter aux yeux… Thibault est un garçon tellement adorable, qu’il ferait tomber amoureux n’importe qui, même un Détraqueur… comment ne pas être touché par un garçon si fort et si doux à la fois, par cet esprit droit et généreux… oui, Thibault est un garçon dont j’aurais pu facilement tomber amoureux… si je ne l’étais pas à « cœur perdu » de son meilleur pote…
Car ce soir, dans mon lit, c’est mon Jérém qui me manque… il me manque au-delà et par-dessus la folie sensuelle de l’autre nuit… il me manque plus que tout, plus que personne… et ce t-shirt que je serre tout contre moi, avec le souvenir olfactif qui se dégage toujours de ses fibres, ne suffit pas pour combler ce manque… bien au contraire, il ne fait que rendre cette absence encore plus insupportable…

Heureusement, le lendemain, mardi, j’aurai l’occasion de me distraire avec mon premier cours de conduite…
Ça a été une bonne idée de passer le code pendant les vacances de février… j’ai pu ainsi me concentrer par la suite sur le bac, sur les révisions, toute sorte de révisions… et là, il ne me reste qu’à prendre mes cours de conduite, pour essayer de passer l’épreuve pratique avant la rentrée…
Je suis très impatient de passer cette étape, d’apprendre à conduire, d’avoir mon permis, ma voiture… j’aimerais bien pouvoir fêter mon permis en partant une semaine à la mer, comme Jérém l’an dernier… j’ai eu quelques échos de ces vacances, de comment le bobrun s’est encore tapé la moitié des nénettes du camping… c’est de ces vacances qu’il a ramené ce brassard tatoué juste en dessous du biceps qui me fait tant d’effet…
Oui, j’aimerais pouvoir fêter mon permis avec mes potes… mais je ne sais pas encore quand je l’aurai… et puis, je n’ai pas assez de potes pour faire ça…
Oui, je suis très impatient d’attaquer mes cours de conduite… le seul bémol à ma joie étant l’idée de retrouver Martin…
Non pas que la compagnie de Martin me soit désagréable, bien au contraire… plutôt beau, sexy, classe, charmant et charmeur le garçon… un côté cash dans la drague qui me fascine…
Bref, ce mec a même tout pour me plaire… ce qui risque déjà à la base de rendre ma concentration pour la conduite… comment dire… insuffisante…
Mais ce qui me pose le plus de problème ce n’est pas son charisme… mais plutôt le fait de ne pas trop savoir comment le beau moniteur va être disposé à mon égard…
Je repense à la soirée au KL, cette soirée au cours de laquelle il m’a dragué et où nous avons failli finir la nuit chez lui… je repense à la scène de Jérém, à son chantage, au choix qu’il m’a imposé entre Martin et lui…à mon choix de céder à son chantage… enfin, de céder à son charme surtout, et aux sentiments que je ressens pour lui, et à l’espoir que mon geste représente quelque chose à ses yeux, qu’il se rende compte à quel point il compte pour moi… et qu’il se réveille enfin…
Je repense à Martin quittant la scène sans demander son reste… et le malaise de l’avoir laissé en plan alors qu’on s’était vraiment bien chauffés refait surface toujours aussi vif…
J’appréhende de me retrouver seul dans la voiture avec lui, de l’entendre me poser des questions, de devoir donner des explications, de me retrouver mal à l’aise… je redoute qu’il me pourrisse ou, pire, qu’il se moque de moi… j’appréhende de foirer mes cours à cause de ce malaise…
D’autre part, j’ai envie de le revoir pour m’excuser… j’aimerai bien le garder en tant que pote… je le trouve marrant, en plus d’être super charmant… et j’ai envie que mes cours de conduite se passent bien…
Me voilà à tout juste quelques pas de l’autoécole, je ne peux plus faire machine arrière.
Je dis bonjour à la fille qui attend dehors en textotant sur son portable, je prends une profonde respiration et j’att la poignée de la porte d’entrée.
Je me présente à la secrétaire.
« Nicolas… Nicolas… ah, oui… te voilà… » fait elle, la tête dans le planning « tu as cours avec… avec… avec… ».
« Avec Martin… » je fais, sûr de moi.
« Ah… non… » elle me relance « c’est avec Julien que tu vas faire ta conduite… ».
« Vous êtes sûre ? Vous m’aviez présenté Martin quand j’étais venu pour prendre rendez-vous… ».
« Oui… ça devait être Martin mais en ce moment il est en arrêt de travail… ».
« Ah mince… » je me renseigne « rien de grave ? ».
« Euh… » fait la secrétaire, l’air un peu embarrassé « non, mais il ne peut pas conduire… il devrait être de retour dans quelques temps… ».
« Ok… » je fais.
« Tu peux attendre dehors, Julien ne va pas tarder à revenir de son cours précèdent… il va vous prendre tous les deux, toi et Sandrine, la fille que tu as dû voir dehors… ».
« D’accord… merci ».
Je suis à la fois soulagé et frustré que ce ne soit pas Martin qui me donne les cours de conduite… je me demande ce qui a bien pu le rendre inapte à la conduite…
Je n’ai pas trop le temps de réfléchir, car la 206 blanche décorée avec les autocollants de l’autoécole se gare juste devant moi, le moteur et les warnings allumés.
Deux filles en sortent… mais franchement je ne pourrais pas dire si elles étaient brunes, blondes, rousses, grandes, petites, belles, moches, avec trois bras ou avec deux têtes chacune…
En revanche, dès le premier instant, dès le premier regard, je peux dire beaucoup de choses, mais alors une infinité de choses au sujet de ce Julien…
Première réflexion… mais putain… décidemment, il y a des prénoms comme ça, qui semblent porter en eux une destinée… là, en l’occurrence, il s’agit de la « destinée bogoss »…
J’ai toujours eu un faible pour Julien, le coéquipier de Jérém… un petit gabarit très musclé, très vif, , marrant, déconneur, débordant de jeunesse et d’énergie… bref, sexy en diable…
Mais alors, ce « nouveau » Julien… comment dire… c’est mon Jérém… mais en blond…
Il sort de la voiture, et dès qu’il est debout, je peux apprécier le spécimen… grand, genre 1m85, physique élancé mais bien musclé, torse taillé en V…
Son t-shirt tombe très bien sur ses épaules, met en évidence ses pecs… bref, juste la perfection… une perfection en coton qui a l’air très bien remplie…
C’est un t-shirt « audacieux », avec des motifs à fleurs jaune et vert sur un fond blanc… accompagné d’un short marron et de baskets jaune fluo… bref, le genre de tenue que, perso, jamais je n’oserais… non pas que je n’aime pas… bien au contraire… mais il est des tenues qu’il faut savoir porter… il faut le physique, la dégaine, la gueule de l’emploi…
Puis, il y a le brushing… concept capillaire de bogoss, impeccable, cheveux coupés très courts autour de la nuque, pas mal plus long au-dessus et plaqués au gel vers l’arrière, tout en laissant une raie sur le côté…
Plus je regarde son t-shirt, plus je me dis qu’il est aussi bien coupé que ses motifs sont improbables… je me dis aussi qu’avec ce genre de pièce, moi je serais ridicule à mourir… mais lui, non, lui il est juste sexy à mourir… évidemment, sur le dos d’un canon pareil, tout va, tout va, tout va… d’autant plus que son aisance, son assurance, sa décontraction lui donnent un style, une certaine classe…
Un style qu’il complète avec une barbe claire de trois jours qui lui confère une petite touche sexy et virile… et avec de grosses lunettes de soleil « bogoss style » qui ajoutent une touche de « je me la pète un peu » qui contribuent à rendre le personnage incroyablement sexy…
J’adore ses lunettes… pourtant, j’ai juste envie qu’il les enlève pour découvrir ses yeux et avoir ainsi toutes les cartes en main, y compris l’atout majeur qu’est le regard, pour juger de l’ampleur exacte de sa bogossitude…
Mon vœu va très vite être exaucé…
Le bogoss approche de la fille et, avant de lui faire la bise, il dégage son regard…
« Salut Sandrine » il la salue avec un grand sourire lumineux et sexy.

La fille n’en est à l’évidence pas à sa première leçon de conduite. Ni insensible au charme du bogoss.
« Salut, je suis Julien, ton moniteur… » il s’adresse ensuite à moi, tout en me tendant la main.
« Bonjour, moi c’est Nico » je réponds machinalement, encore sous le choc et déjà sous le charme…
Oui, car je viens de découvrir que, derrière les lunettes, se cachait un regard vert marron magnifique, charmant au possible, dans lequel je découvre très vite un je-ne-sais-quoi de pétillant, de rieur, de très coquin…
« Vas-y, Sandrine » fait il « mets-toi au volant, tu vas montrer au nouveau comment tu te débrouilles… ».
Le « nouveau » se retrouve donc assis sur la banquette arrière… position qui, si on fait abstraction de l’inconvénient de m’empêcher de mater sa jolie petite gueule, présente l’énorme avantage de ne pas devoir composer avec son regard, tout en me laissant le loisir de détailler sa plastique de bel étalon à ma guise… ça me rappelle mes observations en cours… vraiment, la plastique de ce Julien côté verso me rappelle grave la plastique de Jérém côté verso…
La voiture démarre mais je n’ai pas du tout la tête à suivre ce que Sandrine est en train de faire… je ne sais même pas dans quelle direction nous partons… j’entends juste la voix du bogoss qui, entre deux indications de direction, n’arrête pas de la taquiner… pour le reste, je me consacre à l’observation de la bête…
Premières impressions, suite aux détections rapprochées… vraiment, très très bogoss… cou, épaules, biceps, perfection plastique… nuque presque rasée qui met en évidence ses oreilles fines et sexy qui ne semblent demander qu’à être caressées, titillées, léchées, mordillées…
Ce t-shirt qui tombe comme un gant sur son torse, sur son dos… j’adore observer le col du t-shirt, coté dos, cette ligne, cette frontière où le coton s’arrête et la peau se dévoile… cette ligne surmontée par une chaînette de mec… cette ligne d’où le regard prend le large pour dériver vers la naissance des cheveux, vers la nuque, vers cette crinière blonde fournie…
Pourquoi je ressens une envie viscérale de poser plein de bisous dans son cou, à la lisière de ses cheveux et cette chaînette qui me rend dingue ?
C’est un bonheur entier que de mater ce mec… et c’est un bonheur tout aussi intense que de le sentir…
Inutile de le préciser que le petit con sent incroyablement bon… son deo est frais, entêtant… c’est trois heures de l’après-midi mais j’ai l’impression qu’il sort de la douche… une note de deo et je me surprends à penser « douche »… et il me suffit penser douche que déjà je l’imagine sans peine, le corps ruisselant d’eau, les cheveux en bataille, retombant sur le front, lui voilant les yeux, la serviette qui essuie, couvre, dévoile…
Oui, la position arrière me permet de bien le détailler… d’autant plus que, étant souvent tourné vers Sandrine, je peux également apprécier son profil de mec… sa petite barbe claire et pas trop fournie, mais pourtant si sexy…
J’ai toujours été plutôt branché bobrun… je suis raide dingue de mon bobrun… mais alors, là j’ai trouvé un sacré boblond… blond, ou du moins châtain très très clair… mais une putain de bombasse ce Julien…
Ce mec est exactement ce qui me fallait pour me changer les idées et ne pas me noyer dans mes réflexions, mes questionnements et mes états d’âme…
Je l’écoute rigoler avec Sandrine, je l’écoute déployer sa drague, portée par un humour qui ose tout… faire les compliments les plus improbables… faire rire la fille… jouer les bouffons, se moquer de lui-même… faire rire la fille… faire un compliment bien placé… surprendre la fille… revenir à la charge avec une blague pourrie… se faire envoyer sur les roses… sourire… jouer au mec sérieux le temps d’une coupure entre deux blagues… et revenir sans cesse à la provoc, ne jamais laisser un instant de répit… aller à la limite de la goujaterie parfois, mais se rattr avec une pirouette et faire rire, encore et encore…
Je me surprends à rire moi aussi de sa drague pourrie mais redoutable… car, au final, le mec arrive à être très drôle… charmant, sexy et drôle… et un mec sexy, sûr de lui, charmeur, joueur, déconneur et drôle… moi j’appelle ça un mélange explosif…
Sandrine a du répondant, elle est même parfois cassante, mais le mec ne se démonte pas, entre deux indications sur le parcours, il titille sans discontinuer…
En l’écoutant parler, je me laisse transporter par son petit accent toulousain bien marqué, très sexy, et par cette manière de rouler certains « R »... sexy à mourir...
Et toujours ce petit regard lubrique collé dans les yeux, ce sourire coquin accroché à ses lèvres...
Bref, voilà un beau jeune mâle avec à la fois une opinion certaine de son charme et un besoin inépuisable de l’exercer, d’en admirer les effets…
Tout comme mon bobrun… le même mais en boblond… le côté ténébreux en moins, un brin plus souriant, plus bavard, plus extraverti… et chaud comme la braise…
Nous roulons du côté des Carmes… le soleil cogne et il fait vraiment chaud dans la voiture… mais le soleil ne fait pas tout… la température monte en flèche autour de moi lorsque le bogoss porte sa main sur son paquet, et commence à trifouiller la bête à travers le short…
« Te gêne pas… » fait Sandrine, taquine.
« Je range le matos… » répond le bogoss, du tac au tac, pas gêné pour un sou.
Son regard, c’est le regard d’une sacrée tête à claque… un regard coquin… et même carrément un regard lubrique… ce mec transpire le sexe dans chaque geste, chaque mot, chaque sourire…
« Prends ton temps… » le pique Sandrine.
« Bah, oui, il faut le temps de la manœuvre pour garer du hors gabarit… ».
Petit con frimeur, va… mais petit con avec un sourire d’enfer…
Sa boutade est tellement énorme, qu’il est le premier à en rigoler à gorge déployée, comme pour souligner justement l'ampleur de sa connerie... on comprend que c’est fait exprès, pour amuser la galerie… mais, en attendant, c’est dit… il a parlé de son hors gabarit… il a lancé une énormité pour provoquer une réaction… et ce côté bouffon sexy, frimeur drôle, est tout simplement craquant…
De l'insolence, de l'impertinence, du charme, de l’autodérision, cocktail sournois… le tout accompagné par ce perpétuel petit sourire sexy et lubrique à mourir au coin des lèvres, par ce regard chaud comme la braise…
Oui, le mec est tellement déconneur, tellement « deuxième degré ou plus » et tellement « en permanence », qu’au bout d’un moment, on ne sait plus sur quel degré se placent ses boutades… en soufflant sans cesse le chaud et le froid, en jouant tour à tour au simplet et au malin… en jouant la carte du fanfaron, puis de l’autodérision, ou bien du ridicule assumé… en testant en permanence mais jamais sur le même registre, le bogoss finit par déstabiliser… on ne sait plus si c’est viande ou poisson, on est perdus, plaisamment désarçonnés… par moment, on a même l'impression qu'il se moque ouvertement... mais la réplique suivante n’est jamais là où on l’attendrait… car le petit con a une sacré repartie… au final, son petit jeu est si amusant et sexy qu'on finit par rentrer dedans, par en redemander, par tomber sous le charme…
« Il faut du temps et des longues manœuvres pour garer du hors gabarit… »… petit con, va… mais, apparemment, petit con réaliste… je surveille la manœuvre du boblond avec une attention toute particulière et il me semble que le petit con est effectivement en train de remettre en place un très bon gabarit, dans une forme plutôt remarquable qui plus est… le short est en tissu souple et il me semble voir une forme moulée et raide, récalcitrante à toute tentative de contention…
« Ou alors tu ne sais pas manœuvrer… » finit par le doucher Sandrine.
Mais le bogoss n’en perd pas pour autant le sourire fripon, le regard lubrique et la repartie.
« C’est que ça marche mieux quand c’est les autres qui manœuvrent… ».
J’adore… jamais, il ne lâche le morceau…
En tout cas, le mec a l’air de bien savoir ce dont il a envie… non, à lui, au lit, je pense qu’il ne faut pas lui en promettre…
Nous nous arrêtons à proximité du Pont Neuf et je prends le volant… nous ne sommes pas loin de la rue de Metz… pas loin de la brasserie où bosse Jérém… enfin… à cette heure-ci il doit être en pause… qui sait où il est à cet instant précis, ce qu’il est en train de faire…
J’ai beau avoir une mégabombasse juste à côté… je ressens un pincement au cœur du fait de ne pas savoir quand je le reverrai, et si je le reverrai un jour…
Je mets le cligno, je me jette à l’eau… enfin… je me jette à la circulation…
Très vite, je me rends compte que l’attitude de Julien à mon égard est très différente de celle à l’égard de Sandrine… son attitude est strictement professionnelle… le beau moniteur me donne juste les consignes de trajet, tout en continuant à blaguer avec Sandrine… eh, oui… c’est qu’il est hétéro le beau Julien… personne n’est parfait…
En attendant, je ne suis pas vraiment à l’aise sur le siège conducteur… c’est mon premier cours de conduite, je ne connais pas la voiture, je n’ai que très rarement touché un volant… de plus, les échanges entre Julien et Sandrine me déconcentrent… les indications de Julien arrivent parfois un peu trop tard pour le novice que je suis…
Et puis, surtout… comment être à l’aise avec un mec aussi sexy juste à côté… qui en plus, sent tellement bon… petit con, va…
On laisse Sandrine au pied de son immeuble du coté de La Grave. Me voilà seul avec Julien dans la voiture pour la suite du cours.
Je redémarre, mais l’absence de Sandrine se fait sentir très vite… l’ambiance n’est plus du tout la même… exit les blagues, les sourires charmeurs, sa vivacité, son effronterie de petit con… désormais, le bogoss se limite à me donner les consignes pour mon cours… « tu vas tourner à droite »… « tu vas tourner à gauche »… « mets le cligno, prépare toi à tourner »… « fais gaffe au vélo »… « attention les passages cloutés »… « ralentit »… « tourne large »…
Mais entre deux consignes, le silence se fait vraiment embarrassant. Ce silence me stresse encore davantage que les échanges fripons de tout à l’heure… et ça finit par affecter ma conduite.
« T’as jamais touché à un volant, c’est ça ? » finit par me demander Julien.
« Non… » j’avoue « ça se voit autant ? ».
« T’inquiète ça va venir… » fait le bogoss « il faut pas stresser, ça va venir petit à petit… ».
Nous arrivons à l’autoécole.
« Mets les warnings… pour aujourd’hui c’est bon » je l’entends me lancer « on se revoit vendredi ? ».
Le parfum du deo qui se dégage de sa peau est juste étourdissant.
« Ok… alors c’est vous qui allez me faire toute la conduite ? » je me renseigne.
« Oui, je pense… pourquoi ? ».
« J’avais vu Martin quand je m’étais inscrit… ».
« Tu es un pote à Martin ? »
« Non… enfin… on ne peut pas dire ça… je l’ai vu quand je suis venu m’inscrire… pourquoi ? ».
« Non, rien, comme ça… à vendredi… ».
Je descends de la voiture et je rentre chez moi en emportant dans mon cœur et dans me tête ce petit frisson, cette fraîcheur que sait apporter la proximité, la contemplation d’un bogoss… c’est comme une renaissance… une sensation de profond bonheur… le contact visuel et olfactif, la proximité, le partage d’un moment de la vie d’un petit mec d’1 mètre 85, drôle, charmeur et sexy en diable…
C’est un contact à la fois frustrant et nécessaire… frustrant de devoir s’arrêter à des échanges anodins, de ne pas pouvoir répondre aux milles questions qui m’assaillent devant un pareil bogoss… nécessaire, car en le côtoyant et, plus tard, grâce à son souvenir qui retentit en moi, j’ai soudainement l’impression que la vie est plus belle et que les soucis disparaissent…
Oui, à la fois frustrant, mais tellement bon et apaisant d’assister au spectacle sans cesse renouvelé de la beauté et de la jeunesse masculines…

Le lendemain, mercredi, je passe une partie de la journée avec ma cousine Elodie… elle finit à midi, on déjeune ensemble du côté de l’Allée de Brienne…
Voulant éviter le dossier « Jérém », directement relié au dossier « nuit de dingue avec Jérém et son pote Thibault », je lui parle de mon premier cours de conduite et du sexy moniteur Julien…
Peine perdue… j’ai beau éviter le sujet, elle finit par l’amener dans la conversation…
« T’es es où avec ton sexy rugbyman ? Vous avez parlé un peu ou vous êtes encore juste caressé la nouille ? » elle me demande sans transition, au détour d’une conversation anodine.
Elodie, ou l’art de mettre les pieds dans le plat.
Je n’ai pas le courage de lui raconter que je les ai vus tous les deux pas plus tard que le week-end dernier… et que ce n’était pas exactement pour se taper la discute…
Alors, pour faire diversion, tout en affrontant le sujet que, je le sais, je n’arriverai pas à éluder, je lui parle (succinctement) de nos galipettes après la finale…
« Naaaan… je rêve… » s’étonne ma cousine « après le match il avait encore assez de gnaque pour s’envoyer en l’air, avant de partir au barbec… mais ce mec est incroyable ! ».
Si tu savais à quel point ma cousine… si tu savais avec quelle puissance il m’a baisé après la finale… si tu savais quelle nuit il m’a concocté samedi dernier…
Je suis à deux doigts de tout lui balancer, je prends une grande inspiration… je me dis que je vais y aller…
Puis non, je n’ose pas… je sais qu’elle ne me jugerait pas… mais le fait est que trop de questions se bousculent encore dans ma tête… je pense qu’elle pourrait être de bon conseil, mais j’ai peur de me perdre entre mon récit et ses réactions… j’ai encore besoin de ruminer un peu tout ça, tout seul…
« Et le mécano, alors… » revient-elle à la charge « tu l’as revu après la finale ? ».
« Non, je ne l’ai pas revu… » je mens alors que nos cafés arrivent avec la note du repas.
Le programme de l’après-midi s’annonce compliqué.
« On se fait les boutiques… » lance Elodie toute guillerette, comme si l’idée devait m’emballer autant qu’elle, comme si elle m’avait annoncé qu’on irait à la Fnac et que Madonna serait là pour faire des dédicaces et signer des autographes.
« Mais jamais de la vie… on va crever avec cette chaleur… » je m’insurge, avant de lancer ma contre-proposition « pourquoi on n’irait pas à la piscine ? Elle doit être carrément saturée de bogoss à cette période… ».
« M’en fous des bogoss, moi j’ai envie de faire les soldes… » proteste-t-elle.
« Ce sera sans moi alors… » je lâche, cash.
« Tu n’oserais pas planter ta cousine, comme une conne… » elle tente de m’amadouer.
Mais elle ne m’aura pas.
« Tu me connais mal… » je la défie.
« Allez, s’il te plaît… dans les boutiques aussi il y a du bogoss… ».
« Oui, mais il faut marcher, et faire du « sur place » pendant que tu fais ta « conasse de boutique » »…
« Comment tu parles de ta meilleure cousine ? » elle feint de s’indigner.
« Facile d’être la meilleure quand on est la seule… le fait est que je te connais trop bien… je sais à quel point l’air des boutiques te transforme en monstre affamé de prêt-à-porter… ».
« C’est ça le problème… tu me connais trop bien… et tu as beau aimer les mecs… tu n’es pas une nana… » elle rigole.
« Je te propose un deal… » je fais en saisissant une des pièces que la serveuse nous a rendu « pile, c’est plouff dans la piscine, face c’est la corvée rue d’Alsace-Lorraine »…
« Ok, je marche… ».
Je lance, la pièce tombe sur le trottoir… on se penche tous les deux comme des mouches sur une…
« Merde ! » j’entends ma cousine lancer pendant que nos têtes se cognent.
« Tu as 30 minutes pour aller chercher ton maillot, on se retrouve à Nakache à 15 heures pile… » je jubile.
« Je te déteste, cousin… ».
« Moi aussi… mais déteste-moi au pas de course, la montre tourne… ».
Oui, il n’y a pas meilleur remède pour oublier ses soucis que d’aller mater du bogoss… et, à fortiori, du bogoss en meute… le top étant du bogoss en mode amphibien… évoluant entre milieu terrestre et milieu aquatique…
Ainsi, lorsqu’on a besoin d’un petit remontant pour le moral… se rendre à la piscine municipale en plein cœur du mois de juillet, paraît une décision plutôt avisée…
Ce coup-ci il y a beaucoup de monde, bien plus que la dernière fois, lors de cet après-midi d’il y a quelques semaines où mon brun était là aussi, cet après-midi où j’ai passé un moment chaud bouillant dans une cabine des vestiaires… putain, quel moment… putain qu’il avait été chaud… je me souviens encore de ses coups de reins… de la puissance de ses giclées…
Aujourd’hui, je le sais, je ne croiserai pas mon Jérém… à cette heure-ci il doit être en pause, mais j’imagine qu’il doit se reposer…
Je ne croiserai pas non plus Stéphane aujourd’hui, à 1000 km de là… qui sait ce que devient cet adorable garçon…
Nous nous installons dans un coin, juste à côté d’un alignement de serviettes vides…
Je pose mes affaires et mon attention est très vite captée par un remue-ménage assez bruyant dans l’eau… je regarde avec un peu plus d’attention et j’arrive à détecter une bande de potes en train de se baigner, de faire du raffut, de rigoler…
Allongé sur ma serviette, je les regarde faire, enchanté… mes yeux ne sont pas assez grands, pas assez ouverts pour parvenir à capter toute la beauté indicible de cette scène, toute cette sexytude, bogossitude, jeunesse, insouciance, magie de ces corps ruisselants d’eau, brushings défaits, cheveux en bataille, de ces p’tits mecs qui sont autant de cadeaux du ciel... insoutenablement beaux, indiciblement sexy...
Leur complicité, leurs jeux, leur inépuisable envie de rigoler, me font vibrer… je ressens des frissons, des papillons dans le ventre… j’ai envie d'hurler, tellement cette simple scène me touche… je me dis que ça, ça doit être une image du Paradis… ou, qu’en tout cas, il faudrait que le Paradis ressemble à ça…
Je les regarde jusqu'à ce que l’un après l’autre ils sortent de l’eau… certains empruntant la petite échelle prévue à cet effet… d’autres, plus exubérants, en bondissant de l’eau et se hissant sur le bord de la piscine à la force des biceps…
On assiste à un véritable défilé de corps ruisselants d’eau, de shorts dégoulinant à grosses gouttes… dont certaines finissent par éclabousser mes mollets…
Peu à peu, l’alignement de serviettes multicolores à côté, se transforme en alignement d’appétissantes plastiques de mec…
Je me tourne vers ma cousine… elle se tourne vers moi… ils sont vraiment trop près pour que l’on puisse se laisser aller à des commentaires « en clair »… pourtant, en une fraction de secondes, notre échange de regards exprime plus de choses que mille mots…
C’est beau cet ensemble de bogoss torse nu, heureux d'être ensemble, heureux d'être potes… en les regardant, je me demande si c’est normal d’avoir autant d’images lubriques en tête… les imaginer en train de mélanger leurs corps… imaginer le plaisir de fou qu'ils pourraient se donner ensemble…
En regardant avec un peu plus d’attention, je me rends compte que, parmi cette petite dizaine de mecs à peine plus âgés que moi, il n’y a pas que des bogosses… certes, il y en a ; et, que ce soit pour une raison ou pour une autre, c’est même la grande majorité… mais l’ensemble, la proximité, l’effet de groupe vaut mieux que la somme…
Tout comme je ne peux quitter du regard les bogoss alignés sur les serviettes, je ne peux m’empêcher de tendre l’oreille pour essayer de capter leurs conversations…
C’est ainsi que, au milieu de leurs facéties, j’arrive à comprendre qu’il s’agit d’un groupe d’étudiants de Paul Sabatier… des petits ingénieurs… les voisins des stapsiens…
Putain, que c'est beau à pleurer cette bande de potes... je voudrais pouvoir me perdre parmi eux, je me surprends à rêver d’être enveloppé par leurs virilités, par leur jeunesse, leur fougue, leur bogossitude, leur joie de vivre...
Je rêve d’appartenir à un groupe de potes… je n’ai jamais réussi à me fondre dans la masse… à m’intégrer… à trouver ma place… ni au collège, ni au lycée… est-ce que je vais y réussir à Bordeaux ?
« Quand je pense que tu voulais m’achever en faisant les boutiques… » je la taquine « tu crois qu’on n’est pas mieux là, allongés, en train de mater le bogoss ? ».

Le jeudi après-midi, je reviens me mettre au frais et au calme le long du canal…
Je reprends ma longue marche au bord de l’eau, à l’ombre des platanes… la question du jour, celle qui me tourne dans la tête depuis le matin, c’est de savoir comment j’en suis arrivé avec mon Jérém à une telle situation de dominant/soumis, limite de méprisant/méprisé… je me demande comment j’ai pu l’accepter tout en étant amoureux fou de lui…
Et je ne parle pas de notre sexualité, où j’assume parfaitement le côté macho de mon bobrun… je parle de notre relation dans sa globalité…
Plus tard dans cette histoire, lorsque je repenserai à mon abnégation de l’époque, à mon aveuglement, à ma faiblesse face aux sentiments que ce petit con de Jérém m’inspirait… lorsque je me souviens à tout ce que j’étais disposé à faire, endurer, supporter, essayer, attendre, souffrir pour ce mec… parfois je me dirais que j’ai été vraiment limite maso… mais surtout, très con… très con de ne pas savoir su m’imposer, de ne pas être arrivé à obtenir de cette relation un iota de plus que ce que Jérém était prêt à me donner… très nul de ne pas l’ avoir envoyé chier lorsque la situation l’imposait clairement…
Encore aujourd’hui, tant d’années plus tard, je me dis que si j’avais la possibilité de monter dans une Delorean volante et de rattr le Nico de mes 18 ans, je lui mettrais des baffes… et je lui crierais à tue-tête… « Bon sang, réveille-toi ! Ne te laisse pas faire… dis-lui tes quatre vérités… il a besoin de ça… d’être remis à sa place… à force de ne pas oser, tu rends service à personne… ni à toi, ni à lui, ni à votre relation… ».
Mais en attendant, je donnerais cher pour pouvoir le revoir ne serait-ce qu’une fois…
Déjà quatre jours depuis notre nuit et aucune nouvelle… moi non plus je n’en ai pas pris… mais moi, je n’ose pas… quant à lui, je ne sais même pas si ça lui arrive de penser à moi en dehors des moments où nous sommes emboités… alors, attendre un signal de sa part, c’est juste surréaliste…
Pourtant, plus je marche, plus le sentiment de manque et de tristesse se fait sentir… tous les soirs, dans mon lit, Jérém me manque à m’en déchirer les tripes… et ce n’est vraiment pas qu’un manque de sexe… j’ai envie d’être à côté de lui, de sentir sa présence, sa chaleur, sa peau…
J’ai pensé à lui envoyer un sms… il ne répondrait pas… l’appeler… quand ? comment ? quoi lui dire ?
Oui, plus je marche, plus j’ai envie de voir Jérém, savoir de quelle humeur il est… savoir si on se reverra un jour…
J’ai pensé aller prendre un verre à la brasserie, ou même juste de passer devant la terrasse, même de l’autre côté de la rue…
J’en crève d’envie, mais je m’interdis de le faire, trop peur de son regard hostile, la hantise de le saouler, de me faire jeter...
Pourtant il le faut… j’en ai besoin… alors, il faut bien commencer par quelque part… d’autant plus que, plus le temps passe, plus on laisse l’occasion au malaise de s’installer…
Alors, au fil de mes pérégrinations sans but dans les rues de Toulouse, je me laisse plus facilement glisser vers la gare Matabiau que vers la rue de Metz… il me semble qu’une petite rencontre « par hasard » avec le bomécano à la sortie de son taf serait plus simple que tenter d’affronter direct le bobrun… c’est à ça que « servent » les « potes », n’est-ce pas ?
De plus, je me dis que, en prenant part à ce moment sensuel, Thibault avait pu approcher le « cœur » de ma relation avec le bobrun… je me dis qu’il avait dû se rendre compte de ce qui n’allait pas… et qu’il saurait certainement m’être de bon conseil pour faire bouger les choses avec Jérém… et, pourquoi pas, il saurait peut-être en toucher quelques mots à son pote…
Enfin… si tant est que je puisse toujours compter sur son aide pour tenter d’apprivoiser le bobrun… comment pourrait-il en être encore le cas si, à la suite de cette découverte sensuelle, de nouveaux sentiments devaient se dévoiler en lui ?
Oui, j’appréhende de connaître son sentiment vis-à-vis de ce qu’il a vu, vécu, ressenti l’autre nuit… j’appréhende de découvrir si son attitude à mon égard a changé…
Putain, qu’est-ce que le sexe peut créer comme malaise entre potes…
Je sais que le bomécano finit à 18h00, il faut que je me dépêche si je ne veux pas le rater… je pourrais lui envoyer un message, mais je préfère aller le voir direct…
Lorsque j’arrive sur place, Thibault est sur le trottoir devant le garage en train de discuter avec un autre gars, un peu plus âgé que lui, un collègue de travail j’imagine… ils sont en train de rigoler, de faire de grands gestes avec les bras et les mains… un troisième gars est en train de fermer le dernier rideau.
Quelques secondes plus tard, les trois garçons se serrent la main, se font la bise et repartent chacun de leur côté.
Thibault n’a pas fait trois pas que déjà il m’a capté… j’essaie de lire sur son visage ce qu’il ressent en me voyant… mais avant de me r l’esprit, je laisse mon regard s’imprégner de cette image sublime d’un bomécano qui débauche…
Il est des mecs sur lesquels un simple bout de coton est le plus élégant des habits… c’est le cas de mon pote Thibault…
Quoi dire à propos de cette tenue scandaleusement, effroyablement, odieusement, épouvantablement, douloureusement sexy, ce débardeur gris avec ces deux bretelles épaisses tendues sur ses épaules, ce t-shirt sans manches qui épouse parfaitement les lignes sublimes de son torse, comme si la toile de coton avait été tissée directement sur lui, et qui souligne avec une intensité inouïe ses bras puissants et musclés, en même temps que l'échancrure elle, sublime le haut de son torse en laissant entrevoir cette pilosité naturelle que j’ai soudainement envie de humer, de lécher…
Avec cette enivrante sensation de sentir la douceur de sa peau, d'être frappé de plein de fouet par les effluves de son probable déo de mec et de sa sueur ?
Avec toute cette série de questions déchirantes et cruelles… Dois-je regretter qu'il garde ce débardeur, en renonçant ainsi à la vision de son sublime torse velu ? Dois-je regretter de ne pas assister à l’image divine du mec en train de le poser d’un geste rapide et assuré pour exposer sa nudité… ou, mieux encore, l'arracher sur la vague d’une puissante envie de mec ? Ou alors, au contraire, dois-je me réjouir de cette vision même si elle cache en partie, tout en laissant délicieusement deviner son torse de statue de dieu grec ?
La question ultime étant : comment résister à cette furieuse envie d'aller le lui arracher moi-même ?
Surtout lorsque le regard tombe sur cette casquette noire elle aussi, posée à l’envers sur sa tête, avec cette mèche de cheveux qui dépasse, coincée dans l’ouverture arrière, au-dessus de la petite sangle de réglage… ou bien quand on regarde ses lunettes noires « bogoss style »… ou lorsque le regard se pose, caresse cette barbe brune et drue que je sais si douce, et qui semble encore avoir poussé par rapport à l’autre nuit… ou, in fine, lorsqu’on laisse le regard glisses le long de ce short vert militaire tombant en-dessous de ses genoux, tout en laissant dépasser ses mollets poilus… tout comme sont poilus ses avant-bras…
En une fraction de seconde, ma rétine et mon esprit s’imprègnent de cette image de beau garçon puissant et doux… je pose mon regard sur Thibault et c’est comme lorsque, quelques années plus tard, on appuiera avec le bout du doigt sur une icône d’écran de smartphone… je lance l’application « Thibault » et je revis instantanément le bonheur de mélanger mon corps au sien, mon plaisir au sien, de me sentir dans ses bras, de sentir ses bisous, de l’embrasser, de mélanger nos langues, de le sentir dans mes bras, de me sentir bien…
« Salut Nico ! » il me lance, tout en affichant son plus beau sourire, en me voyant traverser la rue pour le rejoindre. Un sourire capable de dissiper une très grande partie mon malaise.
C’est idiot, mais le sexe, change la perception des relations.
Le bomécano ôte ses lunettes, dévoilant ses beaux yeux qui tendent plutôt au vert aujourd’hui, les accroche à son débardeur ; il se penche ensuite vers moi et me claque une bonne bise, tout comme il vient de le faire en quittant ses collègues de travail ; ça fait plaisir de voir qu’il se comporte avec moi exactement comme avec ses potes, même si on a couché ensemble.
Thibault a l’air un peu surpris de me voir débarquer, comme s’il y avait aussi de son côté un petit malaise, pourtant il a l’air heureux de me retrouver.
Le contact avec cette barbe douce me fait à chaque fois un effet de dingue…
« Salut Thibault… » j’arrive à lui lancer à mon tour, le cœur enfin un peu plus léger.
« Comment vas-tu, Nico ? ».
« Plutôt bien, et toi ? ».
« Cool… je me disais justement qu’il fallait que je t’appelle pour prendre un verre… ».
« Je marchais le long du canal, alors j’ai pensé passer te voir ».
« T’as bien fait ».
« On va au même endroit que la dernière fois ? » je me renseigne.
« Ecoute, Nico… si tu veux, on peut aller chez moi… j’ai besoin de prendre une douche, et on sera plus tranquilles… ».
Je ne m’attendais pas à cette proposition, je suis un peu désarçonné… mais c’est fait si gentiment que je ne peux pas refuser.
Et puis, c’est vrai, j’ai envie d’être au calme pour discuter avec mon pote… pour me confier à lui, si l’occasion devait se présenter… peut-être que lui aussi a envie de me confier des choses… et il doit se dire qu’il sera plus à l’aise dans son appart…
Et aussi… l’idée de savoir Thibault sous la douche chez lui, alors que je suis dans son séjour, me fait un effet certain… l’idée de découvrir où il habite, son espace de vie, me plait aussi…
« Ok, je te suis… ».
« Viens, on y va alors » fait il en traversant la rue d’un pas rapide.
« On y va à pied ? » je me renseigne.
« Non, en bus, il y a un arrêt juste là, j’ai des tickets, t’inquiète… ».
Le bus ne tarde pas à arriver. Thibault valide deux tickets et il m’en tend un. Le bus est bondé, alors Thibault et moi restons debout, calés contre la paroi.
Et c’est là que je l’ai vu… assis sur ma droite, sur le premier siège. Instantanément touché, attiré par lui, comme par un aimant.
Un bobrun, musclé, charpenté… ses yeux sont bleu gris, il arbore cette coupe qui est très à la mode chez les garçons, cette coupe que j’adore, les cheveux bien courts sur les côtés et plus longs sur le sommet du crâne.
Il porte une veste à capuche noire au niveau des poches et jusqu’au niveau des pecs, puis gris foncé au-dessus, y compris la capuche. Il a un pantalon de chantier en toile, gris foncé avec des rectangles noirs au niveau des genoux. Ses grosses chaussures montantes marron sont sales, signes d’un métier très manuel. Un petit ouvrier… Plombier ? Electricien ? Maçon ? Plaquiste ? Couvreur ? Il a des écouteurs rouges aux oreilles et lit les pages sport de la Dépêche du Midi.
Mais ce qui m’a frappé chez lui dès la première seconde, c’est la ressemblance avec mon pote Thibault…
Bien sûr, en le détaillant avec un peu plus d’attention, je me rends compte que ce garçon a un petit quelque chose de différent de Thibault, c’est difficile d’expliquer, mais il y a un-je-ne-sais-quoi de moins « lisse » dans le visage, quelque chose de plus « négligé » peut-être, genre baroudeur… il fait un peu moins « gentil garçon », alors que je me dis qu’il doit être à peine plus âgé que mon pote…
Pourtant, le même gabarit, les mêmes traits, la même barbe, le même regard doux mais viril, respirant au même temps la puissance et le calme, la virilité et la douceur, la détermination et la gentillesse… tous ces éléments communs, eux ils sont bien là… et, malgré les quelques différences, la ressemblance est troublante.
Me voilà donc parti dans l’habituel délire par lequel je suis happé lorsque tout bogoss se montre… cette attraction irrésistible comme la gravitation, ou un aimant puissant, vers ces bogosses insolemment sexy, bien dans leurs corps, dégageant une force, une puissance, une énergie magnétique.
Le regarder c’est bonheur, fascination et, en même temps, comme une douleur intense… mais comment m’empêcher de m’abreuver de leur sexytude par le regard, tout en ayant l’impression que je ne pourrai jamais m’en rassasier suffisamment, que je ne capterai pas tout ce qu’il faudrait capter pendant ces instants d’éternité si éphémères, si brefs, si fragiles…
Ils sont là devant moi, mais dans 2, 3 ou 5, peut-être 10 minutes, ce sera fini, ça s’arrêtera, ils repartiront dans leur vie, cette vie qui me restera inconnue…
Et du coup chercher par tous les moyens à rallonger ce temps, traîner dans un rayon, faire semblant de chercher un truc, pour rester à proximité, dans le fol espoir de réussir à capter leur regard, en même temps que d’avoir peur de se faire repérer. Etre assailli intérieurement de mille questions à leur sujet, qui ils sont, quel est leur nom, leur âge, ce qu’ils portent sous le pantalon, comment ils sont une fois à poil, vouloir tout savoir d’eux, leur intimité, quels sont leurs fantasmes, quelles sont leurs envies, comment font-ils l’amour, comment est leur visage au moment de la jouissance, auraient-ils envie de le faire avec un mec, l’ont-ils déjà fait peut-être, comment ce serait de baiser avec eux, de leur procurer un plaisir inédit, unique… ou, tout simplement, comment ce serait de les connaître… de les entendre dire tout simplement « Bonjour, je m’appelle… » avec un beau sourire charmant, tout en me serrant la main…
Oui, il suffit qu’un bomec se montre, et dans ma tête c’est à chaque fois le même délire…
« Tu fais quoi ces jours-ci ? » me demande Thibault me ramenant à la réalité.
« Je viens de commencer mes cours de conduite… ».
« T’as eu ton code ? ».
« Oui, en février dernier ».
« Ça se passe bien ? ».
« Je n’ai fait qu’un cours, mardi… le fait est que je n’ai jamais touché à un volant… je ne suis pas sûr que je vais l’avoir du premier coup… ».
« Mais si… ça va venir, il faut pas stresser… ».
« Facile à dire… » je commente.
« Au fait… tu sais que Jéjé a dû le passer trois fois pour l’avoir ? ».
« Le code ou la conduite ? ».
« Les deux ».
« Jérém ? C’est pas possible… ».
« Si… la conduite c’est parce qu’il faisait le con à l’examen… » il m’explique.
« Et le code c’est parce qu’il ne révisait pas assez ? » je rigole.
« Non, le code c’est à cause de son problème… ».
« Quel problème ? ».
« Tu sais pas ? ».
« Non… tu sais… ce n’est pas le mec le plus bavard de la terre… surtout avec moi… » je commente.
« Jéjé est dyslexique… ».
« C’est quoi, ça ? ».
« En gros, il a du mal à lire et à écrire… ce qui lui rend plus difficile tout apprentissage qui passe par l’écrit… ça l’a beaucoup handicapé jusqu’au au collège, après il a semblé prendre le dessus… mais le code lui a posé un gros problème… il stressait, le pauvre… je crois que je ne l’ai vu autant stressé qu’une autre fois dans sa vie… c’est l’autre dimanche, avant la finale… ».
Jérém dyslexique. Ça alors. Mon petit Jérém… ainsi, sous ses airs de cancre, se cachait un qui a du mal à apprendre. Pourquoi j’ai soudainement envie de courir le rejoindre où qu’il se trouve et de le serrer très fort dans mes bras ?
Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.
Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons va descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.
« Tu as des nouvelles de Jéjé depuis le week-end ? » je l’entends me demander.
« Non, et toi ? ».
« Non plus… ».
Thibault pose son regard dans le mien et son petit sourire touchant semble traduire une petite inquiétude.

La version complète de l’épisode sur jerem-nico.com.

« La toute première rémunération de mon travail d'écriture, c'est vous, les lecteurs, votre présence, votre fidélité. Mais sans le temps pour écrire, Jérém&Nico n'existerait pas, n'existerait plus.
Ce temps pour écrire, tu peux me l'offrir, à hauteur de tes moyens. Pour faire continuer ce partage qui dure depuis trois ans déjà. TIPEE.COM/jerem-nico-s1. Simple, rapide, sans engagement. Merci d’avance. Fabien ».

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